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Vous pensiez être seul/e à souffrir d’agoraphobie ?

Il y a 4’000 agoraphobes à Lausanne : de quoi remplir un bon stade de football !

En Suisse ils sont 210’000, c’est à dire que tout les suisses agoraphobes pourraient s’installer en ville de Genève.

Il y a environ 203 millions d’agoraphobes dans le monde. Cela excède la population du brésil !

L’agoraphobie est un trouble très répandu qui se soigne relativement facilement et en peu de temps par rapport aux souffrances qu’il provoque.

Elle se définit comme la peur d’avoir une attaque de panique dans les lieux publics. L’attaque de panique est une forte angoisse qui se manifeste par des symptômes corporels, émotionnels et mentaux d’une très forte intensité.

Les manifestations physiques en sont:

  • l’accélération du rythme cardiaque (appelé tachycardie)
  • le sentiment de manquer d’air
  • des fourmillements dans les membres
  • des vertiges
  • des douleurs thoraciques et musculaires
  • des troubles intestinaux
  • une transpiration accrue
  • des sensations de chaud/froid

Sur le plan émotionnel c’est la peur qui domine, mais il serait plus juste de dire qu’il s’agit d’une immense terreur qui bloque toutes les facultés mentales.

Sur le plan mental, certaines pensées caractéristiques apparaissent:

  • « Je suis en train de devenir fou/folle »
  • « je vais mourir maintenant »
  • « je suis en train d’avoir un arrêt cardiaque »
  • « je vais mourir étouffé » ou « Je manque d’air »
  • « Je vais m’évanouir »

Ces symptômes d’une rare intensité amènent la personne à penser que sa vie est immédiatement en danger, ce qui la pousse à fuir le lieu où elle se trouve ou bien à chercher de l’aide.

L’explication psycho-biologique

L’approche Cognitivo-Comportementale s’est beaucoup intéressée à ce trouble et elle en est arrivée à proposer une hypothèse basée sur des connaissances biologiques et psychologiques.

Les trois cerveaux

L’être humain a un cerveau fait de trois parties distinctes qui se sont développées l’une après l’autre au cours de l’évolution.

le cerveau reptilien : c’est le plus ancien des trois cerveaux et il régule les fonctions vitales de l’organisme, tel que la respiration, le chaud/froid, le rythme cardiaque. Comme son nom l’indique, nous partageons ce cerveau avec les reptiles.

Le cerveau limbique : second à se développer, il est le centre des émotions, tel que la peur, le dégoût, le plaisir, la tristesse, la colère. Nous le partageons avec les mammifères.

Le néocortex est la dernière partie du cerveau à se développer. Nous le trouvons chez les primates, mais c’est chez l’homme qu’il est le plus développé. Il gère entre autre le langage, la programmation des actions et il serait le siège de la conscience.

Les Trois cerveaux

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L’attaque de panique

L’ attaque de panique est simplement une réaction de l’organisme à un danger perçu : le cerveau limbique qui gère les émotions reçoit l’information qu’il y a un danger dans l’environnement, c’est une réaction de peur. Il faut noter que le néo-cortex qui est le siège de notre conscience n’a pas perçu le danger. Le cerveau limbique déclenche alors une série de changements corporels dont le but est de faire face au danger en prenant la fuite ou en se battant. Le cerveau envoie l’information – à travers le système nerveux dit  « sympathique » – au corps qu’il faut être prêt.

Se battre ou fuir demande beaucoup d’énergie à l’organisme et c’est en augmentant la rapidité de la circulation du sang ainsi que le taux d’oxygène qu’il y parvient. Le cœur bat donc plus vite et la respiration devient plus rapide. La tension artérielle augmente.

Le sang quitte les parties du corps où il est le moins utile, c’est-à-dire dans les extrémités et l’estomac et il va se concentrer dans les muscles des jambes et des bras, afin d’être prêt à courir ou frapper.

Le cerveau limbique a reçu le signal de danger et a activé le corps en conséquence, mais le paniqueur n’est absolument pas conscient d’un quelconque danger. Il perçoit alors les changements corporels et ne sachant pas qu’il s’agit d’une réaction normale et sans risque pour l’organisme, il se demande ce qu’il lui arrive. C’est ainsi qu’il va interpréter les symptômes comme une perte de contrôle et donc la folie, comme une attaque cardiaque imminente ou encore qu’il va s’évanouir.

Voici un tableau explicatifs des symptômes :

Symptôme Interprétation du paniqueur explication
Cœur qui bat plus vite « Je vais avoir un arrêt cardiaque » Le cœur bat simplement plus vite, comme lorsque l’on fait du jogging, car le cerveau se prépare à fuir ou se battre
Manque d’air « Je vais mourir étouffé » Le rythme respiratoire a imperceptiblement augmenté pour amener plus d’oxygène dans le sang. C’est le contraire : nous avons trop d’air, raison pour laquelle il faut plutôt diminuer la quantité d’oxygène (respirer dans ses mains, dans un cornet, diminuer la quantité d’air que nous respirons)
Vertiges « Je vais m’évanouir, je deviens fou » Si vous avez trop d’air, vous allez avoir la tête qui tourne. Vous pouvez essayer cela en hyperventilant. De plus, votre tension artérielle est plus élevée que la normale, donc il n’est pas possible de tomber dans les pommes. Il faut une chute de tension pour s’évanouir.
Troubles intestinaux (diarrhées, mal au ventre) Je suis malade Le sang quitte brutalement l’estomac pour aller dans les jambes et les bras (courir ou se battre). Ce n’est pas le moment de digérer ! Ce départ subit du sang des intestins provoque quelques troubles.
Douleurs thoraciques « c’est un infarctus » Le corps est en état de tension et le diaphragme, muscle respiratoire situé dans la cage thoracique se crispe, provoquant des douleurs diffuses (le diaphragme est accroché au squelette thoracique)
Chaud/froid, fourmillements « La vie me quitte » La vie, certainement pas ! Vous vous battez pour la maintenir puisque votre corps est en état d’alerte. Le sang qui quitte les extrémités provoque ces sensations

En résumé :

Le corps se met en état de réagir à un danger qu’il a perçu, mais pas le paniqueur. Puis ces symptômes impressionnants qui apparaissent soudainement et sans raison apparente inquiètent terriblement le paniqueur qui ne sait pas ce qui lui arrive. Il interprète donc les symptômes comme un danger, ce qu’ils ne sont absolument pas. Il prend peur et ainsi la peur nourrit la peur !

Comment devient-on agoraphobe ?

Il faut dire que nous n’avons pour l’instant pas découvert une cause précise, probablement parce qu’il n’en existe pas. Ce trouble est plutôt le résultat de différentes causes biologiques, psychologiques et environnementales.

Certains éléments sont à considérer :

L’agoraphobie fait partie des trouble anxieux, c’est-à-dire que les gens qui en souffrent sont généralement des anxieux de nature : ils ont une tendance marquée à voir et prévoir les dangers qui pourraient survenir. Dans l’évolution de l’humanité, ce tempérament est d’une grande utilité car l’anxieux a les yeux ouverts sur des dangers potentiels qu’il lui est alors possible d’éviter. Or la vie a de tout temps été menacée et la fonction de l’anxiété est donc bien de préserver la vie. Mais parfois ce système de préservation subit un « bug » ou virus et il s’emballe sans aucune raison adaptative.

L’autre élément important est que 80% de la population vit une attaque de panique dans sa vie, sans pour autant développer une agoraphobie, que 2 à 4 % de la population mondiale développe.

Finalement, on retrouve des éléments communs dans l’histoire des agoraphobes, comme des deuils, des séparations, la peur d’être seul ou encore un faible contrôle direct dans les relations affectives.

Ces éléments font que nous pouvons émettre l’hypothèse que l’agoraphobie se développe chez certaines personnes de tempérament anxieux qui ont vécu des expériences difficiles autour de la séparation. Ils se sentent vulnérable et ont peur de perdre le contrôle d’eux-mêmes. Suite à une attaque de panique, Ils développent une peur de mourir ou de perdre le contrôle dans des situations où personne ne pourraient leur venir en aide, ou d’où ils ne pourraient s’échapper.

Une première attaque de panique survient généralement dans un lieu public. Puis la personne craint une nouvelle attaque de panique et commence à éviter d’autres lieux, tels que les cinémas, les transports publics, les garages sous-terrains, les centres commerciaux, les trains, les autoroutes, les tunnels, les télécabines et les télésièges, les concerts, etc…

Petit-à-petit la personne en vient à ne penser qu’à l’attaque de panique et elle restreint ses déplacements. Certaines personnes en sont d’ailleurs arrivées à ne plus pouvoir sortir de chez elles. L’évitement fonctionne comme un renforcement des attaques de panique selon le schéma suivant :

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Le traitement de l’agoraphobie

Nous vivons dans une société qui a développé d’innombrables formes de thérapies et nombreux sont les thérapeutes qui proposent un traitement pour les attaques de panique et l’agoraphobie. Ces traitements vont de la pharmacothérapie jusqu’au shamanisme et il peut être difficile de faire le bon choix. En ce qui me concerne, je pense que la thérapie Cognitivo-Comportementale est à l’heure actuelle un des meilleurs traitement qui soit. Certes je pratique cette forme de thérapie et l’on pourrait penser que je ne suis pas objectif. Mais je ne pense en aucun cas que la thérapie Cognitivo-Comportementale est le traitement de choix pour tout les troubles psychologiques. Au contraire, je pense que certaines formes de thérapies parallèles font des petits miracles.

Mais mon expérience personnelle m’a montré qu’en ce qui concerne les attaques de panique et l’agoraphobie le traitement Cognitivo-Comportemental est rapide et extrêmement efficace.

Voilà comment le traitement est organisé:

  • L’objectif premier de cette forme de thérapie est de diminuer le nombre et l’intensité des attaques de panique afin que le client retrouve sa liberté de mouvement. Cette phase peut aller de 1 à 12 séances environ.
  • Explication du modèle psycho-biologique de l’agoraphobie
  • Le client relève sur une feuille les attaques de panique qu’il a durant la semaine, leur intensité et les pensées qui y sont associées (par ex :  « je vais mourir étouffé »)
  • Apprentissage de pensées alternatives à se dire en cas d’attaques de panique
  • Expérience de l’hyperventilation en séance avec le thérapeute : il s’agit avec cet exercice de respirer rapidement pendant 2 minutes, ce qui reproduit les symptômes de l’attaque de panique. Le client voit alors qu’il peut créer lui-même ces symptômes et il apprend à ne plus les craindre.
  • Apprentissage du contrôle respiratoire : cette technique permet de diminuer l’intensité des attaques de panique grâce à la respiration.
  • Apprentissage de la relaxation
  • Exposition. C’est le cœur du traitement : le client va chercher à avoir une attaque de panique dans des lieux qu’il craint. Il peut être accompagné du thérapeute. Ceci se fait graduellement de telle sorte que la peur ne soit pas trop grande au début. Le client apprend ainsi à ne plus éviter l’attaque de panique et au contraire, il va « la chercher » afin de voir que rien de plus grave qu’une attaque de panique ne peut lui arriver : c’est une forte angoisse, mais elle passe au bout d’un certain temps.

Dans un second temps et si le client le désire, il est possible de plonger plus profondément dans l’histoire de vie afin de comprendre les causes du trouble. Durant cette phase, c’est généralement l’anxiété de séparation qui fait surface. Nous traitons alors les schémas de vulnérabilité et de dépendance.

Résultats

Cette méthode permet de rapidement retrouver une liberté de mouvement et même une qualité de vie meilleure qu’avant le début du trouble.

La durée du traitement est variable, et j’ai rencontré des agoraphobes de longue date qui se sont guéri en 3 séances. Mais je dirais qu’en moyenne il faut de 3 à 9 mois pour que le trouble disparaisse entièrement.

Le secret de l’agoraphobie

Si vous êtes rebelle à toute forme de thérapie et que vous voulez vous guérir seul et rapidement, il vous suffit d’intégrer et d’appliquer le secret suivant :

Allez chercher l’attaque de panique ! Que se passera t’il ? Au pire, vous en ferrez une. Restez dans la situation jusqu’à ce qu’elle se dissipe (en moyenne 20 minutes) puis aller vous coucher ! Ca fatigue ! Et recommencez le jour suivant !

Mais le secret est que généralement si vous cherchez à ce qu’elle vienne…elle ne viendra pas !

Et oui, car c’est comme cela que cela fonctionne : l’attaque de panique survient si on craint qu’elle vienne. Si on recherche sa venue….elle ne montre même pas le bout de son nez !

C’est totalement injuste, mais c’est comme ça.

Le point de vue essentiel et spirituel

Chaque trouble psychologique recèle une occasion de se développer et de vivre plus pleinement sa vie si nous arrivons à l’intégrer et à le dépasser.

L’agoraphobie et les attaques de panique nous permettent de développer trois extraordinaires qualités :

  • Dépasser la peur de notre mort ainsi que celle de nos proches
  • Dépasser la peur du regard des autres
  • Accepter de ne pas tout contrôler

L’agoraphobe a l’occasion de faire face à une des plus grande peur de tout être humain : celle de mourir. Or celui qui est libre de la peur de sa propre mort…est libre !

Patrick Hertzschuch

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